J'ai toujours eu les pires difficultés à expliquer mon métier "d'architecte d'entreprise" à mes amis, ma famille, bref toute personne éloignée des problématiques SI. Si j'en crois David Graeber -et je n'ai aucune raison de ne pas le faire-, et si je me remémore certaines tâches que j'ai eues à accomplir il y a toutes les chances que cela le qualifie au titre de bullshit jobs [1] catégorie "cocheur de cases".
J'ai donc voulu ces quelques pages pour tenter une description la plus concrête possible de mon métier. En fait non. De ma vision de mon métier et j'insiste sur le possessif car j'ai bien conscience qu'elle diffère sensiblement de ce qu'on entend habituellement par et sur l'architecture d'entreprise. Et bien souvent cette dernière est nimbée d'une aura lénifiante et d'une logorrhée en anglo-franco-novlangue des plus abstruses visant à camoufler sous une forme pompeuse que dans le fond, le roi est nu.
Beaucoup de personnes gravitant dans le SI des grandes entreprises croisent des architectes (c'est d'autant plus facile qu'il y en a de plus en plus de représentants) et chacun va se faire son opinion en fonction de ses propres contacts ... et de l'aide que l'architecte lui aura apportée.
Pour simplifier, les entreprises considérent deux types d'architectes, ceux qui faisaient plutôt du métier, du fonctionnel, qu'on nommait autrefois urbaniste, et ceux qui étaient plus proches de la technique.
Dans ma vision, ces deux typologies n'ont de sens que parce que la première sert à caser des employés au soir d'une longue carrière en IT et qui ne souhaitent plus faire de projet ou n'ont plus de compétence technique à jour, et la seconde cantonnée à des profils un peu trop payés pour n'être que "développeur" (je mets des guillemets parce qu'un bon développeur devrait être grassement rémunéré, mais que voulez-vous dans la mentalité des entreprises, "développer" évoque le cambouis, la mine et la sueur donc rien qui puisse justifier un gros salaire)
Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, il y a bien deux catégories d'architecte : les vrais... et les autres.
J'ai toute la longueur de ce pamphlet pour vous éclairer sur les vrais, alors pour les autres faisons un petit quiz.
Gagnez un point à chaque fois que vous répondez "oui", à une de ces propositions :
Pendant les 6 derniers mois :
Si vous avez plus de 5 points, vous penchez dangereusement vers la seconde catégorie. Si vous le vivez bien, c'est parfait, je suis même un peu jaloux. Mais si ce score vous embête, vous auriez tout intérêt à poursuivre votre lecture.
Avant de vous lancer, quelques avertissements. J'ai écrit ce petit livre comme un exercice de réflexion, de capitalisations sur mes 20 premières années de carrière (dont pas loin de 14 comme architecte). J'ai lu un certain nombre d'ouvrages sur l'architecture SI, les plus souvent les 30 premières pages parce que c'était embêtant comme la pluie et vide comme un rat mort. Je vise donc que ma propre production soit moins pénible et plutôt que de débiter des vérités fondamentales sur l'architecture d'entreprise, je vais plutôt décrire ce que j'ai vu en entreprise, ce que j'ai mis en place et les retours que j'ai pus en tirer. J'assume le côté totalement subjectif, partial et un peu provoc' de ma prose, j'espère surtout qu'elle ne blessera personne (parmi les gens que j'apprécie) et qu'elle pourra donner des pistes pour progresser.